COBIE • garde du corps

le premier réflexe du matin, c’est le long étirement un peu difficile encore le nez sous la couette. le second se résume à un petit massage facial ; des fois c’est un simple frottement d’oeil, d’autres c’est plutôt au niveau de la mâchoire, ou un grattement de joue.., ça dépend des jours. le dernier c’est de jeter un coup d’oeil à droite, et de généralement trouver cette partie du lit sans dessus dessous. l’homme est un être d’habitudes, et faut le voir ton visage quand aucune de ces cases n’est cochée ; ta confusion se mêle docilement à ta carapace, sait d'ores et déjà que le moment n'est dorénavant plus sien: le mode vigilance enclenché comme si tu étais de nouveau sur le terrain y'a des années de ça, tu bondis de ta capsule avec précaution, tout sens en alerte, faisant profil bas. tu guettes le ciel, le sol, un quelconque mouvement dans cette chambre-hangar vide de personnalité. t'as le poing qui commence à se serrer, les dents à tailler l'intérieur de ta joue pour retarder les retombées fulminantes -- ça te frustre d'une force de ne pas pouvoir te souvenir de tes dernières fois, d'un quoi que ce soit qui puisse expliquer ta situation actuelle, mais là d’un coup t’as le souvenir flash de ton mari: il devrait être ici, lui aussi.. genre c’est le moment pour un cache-cache là?

on sent déjà les lames de couteau dans les iris qui silencieusement s’aiguisent ; oh que tu vas leur faire goûter, et que tu vas te faire entendre. non on va pas puiser dans les sentiments, surtout pas en terrain hostile, mais si y’a des choses qui se doivent d’être dites, on peut toujours compter sur toi pour les exposer sans sourciller (à moins de vraiment te pousser au point de vouloir cogner). parce qu’y’a vraiment pas à jouer avec la patience d’une femme comme ça, aujourd’hui en tout cas surtout pas la tienne quoi.

cobie pour faire court, c’est une énième première née -- premiers pas, premiers sourires, premières attentes, premières erreurs, premières entailles, premiers non-retours. l’enfant sur laquelle on déverse le trop-plein d’adulte, qui se gorge en silence jusqu’à exploser à la gueule faute d’inattention: élève modèle avec les épaules trop étroites pour les charges imposées, le crâne saturé par les straight a’s et les désobligeances du paternel. puis en face y’avait lazar, tout l’opposé d’elle, aka le gosse turbulent qu’on ne savait absolument pas gérer ; et cobie nourrissait sourdement la faim dantesque de tout envoyer valser elle aussi, au point où frustration et colère eurent au final raison d’elle au fil des années, l’engloutissant toute entière, vicieusement terrées dans chacun de ses pores et chacune de ses larmes. avec un self-control plus ou moins résistant et le palpitant sous analgésie, elle enchaîne sports de combat et thérapies, s’engage dans l’armée dans l’unique but d’un peu plus fournir son dossier, décroche le job convoité dans une agence de renseignement, avant de se tirer de là sept ans plus tard avec sa propre boîte de protection rapprochée. donc côté privé, ça s’est jamais bousculé: toujours trop de bagages, de vigilance ou d’indifférence pour entretenir le genre de connections qu’on pourrait se remémorer de nulle part à 3h du matin. elle a ceci dit connu plus jeune ce que ça faisait de tomber de haut, puis hâtivement tenter de rendre la pareille pour juste après immédiatement regretter -- mais c’est pas la vengeance qui colmate les plaies, c’est pas elle qui rend ce qui (s’)est perdu ; une leçon sur laquelle elle n’est plus revenue depuis son mariage, du moins pas sur le plan amoureux. également l’heureuse tante d’une bonne poignée de mômes qu’elle chérit (presque) autant que ses chiens.