KIMI • Barman

Oh putain, dans quelle galère je me suis embarqué ce coup-ci. Pourtant il n'y a rien qui fait mal, j'ai pas la nausée, il se passe quoi alors. J'échappe un long soupir, de quoi reprendre un peu le contrôle. J'observe les alentours, rien n'est vraiment familier sans pour autant me déstabiliser. Les orteils et les doigts qui valsent en harmonie pour vérifier que je suis intact et tout ce que je souhaite c'est que je ne me suis pas attiré trop de problèmes pour me retrouver ici. Qui se retrouve ici d'ailleurs? C'est mon premier réflexe, de balayer la pièce pour trouver un autre myocarde qui s'agite ou ne serait-ce que d'autres pupilles qui se contractent à la lumière. Je ne veux pas croire que c'est le paradis ou l'enfer ici, ce serait trop douloureux. Ce serait une torture que de m'imaginer partir à sa recherche jusqu'à ce que je la retrouve. Je préfère croire que je suis maintenant le protagoniste d'un jeu video ou peut-être que ce sont des Hunger Games. Ok je suis mal barré alors, j'ai pas trop envie de faire des efforts là, ici, maintenant, je préfèrerais retourner dormir si possible.

Ce que je sais c'est que je viens d'un peu nulle part et partout à la fois et que ma vie se résume un peu à la même chose. Vous savez, on ose croire au destin, à l'astrologie, aux pierres précieux ou même aux formes imprécises que laisse le thé au fond d'une tasse, mais au fond, la seule vérité c'est que la vie n'est pas juste pour tout le monde. Ou du moins, nous la façonnons à ne pas la rendre juste. Une fois que j'ai accepté cette finalité, le reste devient un peu plus supportable. L'Amérique se consume un verre de whisky à la fois et je peux dire que je suis plutôt fier de contribuer à ce concept un soir à la fois. Ma petite vie, misérable aux iris de certains, me plait plutôt à moi. L'alcool rassemble, lève le rideau momentanément sur nos vraies couleurs et fait gonfler mes pourboires, gloire à l'alcool. Je suis donc votre coquet barman de quartier, qui ne demande pas plus que son appartement parsemé de plantes pour faire cacher la déco vieillotte initiale et son vélo pour vagabonder du point A au point B. Ce que je demande, c'est de ne pas se mêler de ma vie privée et de me tenir hors du drame. Ça n'amène jamais de la lumière les problèmes, je les fuis comme la peste. Ça veut pas dire que je suis morose, il y a toujours la possibilité de faire les fous sans se mettre les pieds dans les plats. Apparaître dans ce bateau, ça sonne red flag à priori, mais c'est sûrement ce que ma mère aurait fait si elle était encore è mes côtés. Vous savez quelle mort je ne souhaite à personne; la noyade. De l'imaginer se tordre pour une bouffée d'air, ça me déchire. D'imaginer sa détresse à ne plus être en mesure de suffire à son besoin le plus essentiel, j'en ai la cage thoracique comprimée à mon tour. Sept anniversaires manqués, sept Noël, sept 4 juillet, mais au moins maintenant j'arrête de te chercher dans mes rêves. On se reverra quand le temps sera venu.