Nous sommes prisonniers, d’une certaine manière. Une entité refuse de nous laisser reprendre la route pour fuir l’établissement. Devant les autres, je joue l’imbécile en prétendant qu’il doit forcément s’agir d’une mauvaise blague, d’un jeu relevant d’un sadisme exacerbé parce qu’ils me prennent déjà pour un dingue. J’ai pourtant essayé de leur faire entendre raison, de pointer du doigt l’étrangeté des événements qui se sont produits ici mais personne ne semble vouloir comprendre, voir la vérité en face. J’en suis maintenant persuadé, j’ai été
possédé. Un court instant, certes, mais suffisamment longtemps pour vouloir faire du mal à Rufus. Jamais je ne m’en serais pris à lui si j’avais été en pleine possession de mes moyens. De tous les employés de l’hôtel, il figure parmi ceux que j’apprécie le plus… Jamais je n’aurais pu sciemment vouloir lui faire du mal, mes actes de samedi ne peuvent qu’en attester. Je l’ai protégé au mieux, défendu lorsque les autres voulaient absolument le fouiller même si ce qu’ils ont découvert m’a interpellé. S’il n’y avait que cela. Plus le temps passe et plus j’ai l’impression que tout le monde est louche, à croire que bientôt
@Charlotte, ou Louisa ou je ne sais plus comment l’appeler sera la personne la plus saine d’esprit parmi nous, c’est dire.
Plus de réseau, plus aucun moyen de communication. Des voitures aux alarmes déclenchées une seconde mais qui disparaissent deux minutes plus tard… Il n’y a rien que l’on puisse expliquer et pourtant personne n’accepte d’admettre que nous sommes ici en présence de quelqu’un chose de bien plus dangereux qu’une force humaine… Le plus grand des complots ne pourrait pas nous mettre dans une telle situation, les pires expériences menées au nom de la psychologie ou de la science ne pourraient pas nous mettre dans une telle situation sans que l’on sache pourquoi. Nous sommes coincés ici et je refuse de sombrer davantage encore dans la folie alors je reste centré sur un objectif, un seul à la fois. Ce soir, j’ai l’esprit occupé par un service parfaitement exécuté et cette peur naissante de rejoindre mes quartiers, là où les voix sont les plus fortes, les plus sournoises. Elles veulent me faire entendre, me faire comprendre mais je n’y arrive pas. Les éléments de réponse manquent cruellement.
Rufus, il débarque et sa distance ne me surprend pas. Je l’ai attaqué après tout. Ne pas croire en la présence d’esprits revient à penser que j’ai volontairement décidé de m’en prendre à lui. J’aligne les shooters en prenant des nouvelles de lui et esquisse un sourire amusé lorsqu’il émet l’hypothèse que cette beuverie ne soit pas la meilleure idée du monde.
« On est prisonniers d’un hôtel, sans aucun moyen de contacter l’extérieur… On devrait tous se mettre la tête à l’envers et faire une pause pour reprendre notre souffle ! » Les nerfs sont mis à rude épreuve, le manque de sommeil se fait largement ressentir alors consommer de l’alcool, franchement, que pourrait-il arriver de pire ?
« On est d’accord… Il est à cheval sur les principes et sur les règles… Je me demande quand même où il était samedi… » Il a disparu plus d’une fois, de quoi me rendre un peu plus parano encore. J’attrape le second shooter que j’avale cul sec sans même réagir, parce qu’il y a bien longtemps que l’alcool, aussi chargé puisse-t-il être, a cessé de me brûler la gorge.
« Je ne sais pas… Tu veux la version saine d’esprit ou celle qui s’ouvre à d’autres horizons ? » Je marque une pause, le jauge du retard et décide de saisir l’opportunité qui se présente à moi. Un peu comme l’autre fois, quand j’ai abordé après coup les fouilles menées dans mon bar pendant mon absence.
« Je pense que nous avons tous besoin d’être honnêtes les uns envers les autres pour tenir le coup. Ne pas se faire confiance, c’est mettre un pied dans la tombe. Qui qu’ils soient, ils veulent diviser pour mieux régner et ça marche très bien pour l’instant… N’est-ce pas Rufus… Ou devrais-je dire… J ? » Je le toise du regard, sans jugement, sans méchanceté… Une neutralité relative.
@Rufus