CECIL • Chômeur

Cecil se visualise au milieu de rangés de meubles, perdu dans l'immensité d'un magasin désuet. Tout ce qui lui revient, c'est cette vieille chanson d'Al Bowlly. Heartaches, heartaches... qu'il fredonne en collant son nez au hublot. C'est vrai qu'il cherchait à prendre un nouveau départ, mais il n'en demandait pas tant. S'il se demande qui il est, il réalise rapidement qu'il se posait déjà la question là-bas, sur terre. Passé la stupéfaction, la panique prendra bientôt le dessus. Pour le moment, il profite de cet état flottant qu'il devine éphémère. Bon dieu, mais qu'est ce qu'il fait là ?

À l'âge de six ans, Cecil est déposé par sa mère chez ses grands-parents, August et June. Après un divorce compliqué avec son compagnon, la jeune infirmière préfère que son enfant s'épanouisse à la campagne, là où elle-même a grandit des années auparavant et où il ne manquera de rien. Si le gamin trouve rapidement ses repères et s'approprie ce nouveau terrain de jeu sans difficultés, il se mue en enfant colérique qui peine à justifier cet acte qu'il perçoit comme un abandon. À l'école, il ne rencontre aucune difficulté particulières, ses professeurs sont satisfait par son travail mais chuchotent que sa successibilité freine ses progressions. Il veut à tout prix prouver qu'il n'est pas un incapable et craint de décevoir ses grands-parents. Lorsqu'un sujet lui résiste, il se ferme. Mauvaise habitude qu'il trimballera des années durant. Adolescent, il trouve un petit job dans la ville la plus proche. Il est employé chez Finnigan, un magasin de meubles où il façonne son sourire et développe quelques talents commerciaux. Le propriétaire l'a à la bonne et lui promet un avenir radieux. Honoré, mais pas certain d'être intéressé, Cecil monte pourtant en grade au fil des ans. Alors lorsque le vieux Finnigan meurt et couche son nom sur son testament... Cecil prend la relève et se retrouve à la tête de la petite entreprise. Il quitte ses grands-parents et s'installe en ville, cache son ennui ferme en jouant habilement le rôle du parfait commerçant. Il rencontre des filles, mais jamais celle de ses rêves. Il idéalise les histoires d'amour, il faut dire que celle de June et August lui font croire qu'il en existe comme dans les films. La vie suit son cours, jusqu'au jour où il reçoit ce coup de fil. Une voix tremblante au bout du combiné lui apprend que sa grand mère les a quitté. Cecil remet alors en question l'intégralité des choix qu'il a fait ces dernières années. Du jour au lendemain, il met en vente son commerce et se réinstalle chez August. Il promet de trouver sa voie. Retour à la case départ. Si cela est séduisant dans les débuts, cela fait des mois qu'il se cherche. Il est temps, sans doute, de faire un premier pas, le plus intimidant de tous.