Ils ont tous l'air secoués, épuisés, vidés par les événements ; comme s'ils étaient, ce soir, passés par toutes les couches des Enfers. Une bonne nuit de repos, s'ils parviennent encore à dormir, est sans aucun doute ce dont ils auraient le plus besoin – après un fond de whiskey ou un Darjeeling, selon les goûts.
Mais de leurs états d'âme, elle s'en tamponne royalement le coquillard. Charlotte les laisse enterrer leurs morts et célébrer leurs vivants ; après un séjour prolongé dans les entrailles de la Terre, elle a, à vrai dire, d'autres chats à fouetter que de se soucier des derniers malheurs de cette brochette d'inconnus dont elle ignore tout encore (elle n'a retenu que les visages de ses généreux samaritains, dont elle fume la deuxième cigarette sur le chemin du retour).
Ils marchent, et Charlotte fume, se réhabituant aux sensations sur sa peau, dans son corps, au contact de cet air libre qui a bien failli lui manquer, de retour à la crypte. Elle peine à savoir si elle a rêvé sa mort, ou si elle rêve sa nouvelle vie ; ou les deux peut-être ? Peu importe, elle inspire, expire, se gorge de cette cigarette inespérée, sent le vent de la côte sur son visage, resserre autour d'elle la robe légère qu'on lui a mise lors de ses funérailles.
Lorsque le manoir se dévoile à eux, au bout de la longue allée, Charlotte ne peut que manquer un léger battement à la vue de ces bâtiments familiers.
C'est de l'émotion, sans aucun doute, mais laquelle ?
Un étrange sentiment menace de lui étreindre ce cœur tout frais, qu'elle a perdu l'habitude de sentir battre ; allons bon, croupir dans la forêt l'aurait rendue toute molle – la faute à l'humidité, peut-être ? Dans un ultime souffle de nicotine, Livingstone chasse les pressentiments et les étrangetés ; elle jette son mégot, et, se raccrochant à des soucis d'ordre pratiques, rattrape l'homme de son trot de gazelle.
« Excusez-moi. Nous n'avons pas été présentés, il me semble. » Elle l'interpelle juste devant l'hôtel, et lui tend une main de business woman, avec le sourire de circonstance – un sourire de politesse, prêt à vous mordre, sous deux yeux qui vous décortiquent pour savoir de quel bois vous êtes fait. « Charlotte Livingstone. » Elle estime ne pas avoir à développer ; elle a entendu les murmures, d'autres remarques directement adressées. « Vous êtes le nouveau responsable, n'est-ce pas ? Je crois que nous devrions prendre le temps de discuter. Maintenant, oui, cela ne peut attendre », fait-elle pour couper court aux éventuelles protestations.
Mais de leurs états d'âme, elle s'en tamponne royalement le coquillard. Charlotte les laisse enterrer leurs morts et célébrer leurs vivants ; après un séjour prolongé dans les entrailles de la Terre, elle a, à vrai dire, d'autres chats à fouetter que de se soucier des derniers malheurs de cette brochette d'inconnus dont elle ignore tout encore (elle n'a retenu que les visages de ses généreux samaritains, dont elle fume la deuxième cigarette sur le chemin du retour).
Ils marchent, et Charlotte fume, se réhabituant aux sensations sur sa peau, dans son corps, au contact de cet air libre qui a bien failli lui manquer, de retour à la crypte. Elle peine à savoir si elle a rêvé sa mort, ou si elle rêve sa nouvelle vie ; ou les deux peut-être ? Peu importe, elle inspire, expire, se gorge de cette cigarette inespérée, sent le vent de la côte sur son visage, resserre autour d'elle la robe légère qu'on lui a mise lors de ses funérailles.
Lorsque le manoir se dévoile à eux, au bout de la longue allée, Charlotte ne peut que manquer un léger battement à la vue de ces bâtiments familiers.
C'est de l'émotion, sans aucun doute, mais laquelle ?
Un étrange sentiment menace de lui étreindre ce cœur tout frais, qu'elle a perdu l'habitude de sentir battre ; allons bon, croupir dans la forêt l'aurait rendue toute molle – la faute à l'humidité, peut-être ? Dans un ultime souffle de nicotine, Livingstone chasse les pressentiments et les étrangetés ; elle jette son mégot, et, se raccrochant à des soucis d'ordre pratiques, rattrape l'homme de son trot de gazelle.
« Excusez-moi. Nous n'avons pas été présentés, il me semble. » Elle l'interpelle juste devant l'hôtel, et lui tend une main de business woman, avec le sourire de circonstance – un sourire de politesse, prêt à vous mordre, sous deux yeux qui vous décortiquent pour savoir de quel bois vous êtes fait. « Charlotte Livingstone. » Elle estime ne pas avoir à développer ; elle a entendu les murmures, d'autres remarques directement adressées. « Vous êtes le nouveau responsable, n'est-ce pas ? Je crois que nous devrions prendre le temps de discuter. Maintenant, oui, cela ne peut attendre », fait-elle pour couper court aux éventuelles protestations.